COLONISATIONS INTÉRIEURES, COLONISATIONS DE CLASSE, TRAITE DE MINEURS, Macron rate le coche…


Macron salua ce samedi la Creuse lors de son meeting sur la ruralité.

C’était bien l’occasion, ici, de renvoyer la colonisation de classe, la colonisation intra-nationale et intra-européenne qui perdurent au crime contre l’humanité. Au lieu de caresser dans le sens du poil son électorat putatif de « victimes » entrepreneuriales.

La Creuse, comme le Cantal, le Tarn, l’Ariège… régions dépeuplées dans les années soixante, sans main d’oeuvre agricole et sans industrie: voilà qui mobilisa toute la bienveillance de Michel Debré, Ministre d’Etat et Député de l’île de la Réunion tout juste  devenue département d’outre-mer. Il promulgua en 1963 un décret social organisant la « migration » d’orphelins réunionnais afin qu’ils trouvent, dans la Creuse, le Cantal, etc. des familles d’accueil aimantes, triées sur le volet de l’Église (séparée de l’État) pour y poursuivre des études et devenir de bons vrais grands Français. Telle était la promesse.

Mais bientôt il n’y eut plus assez « d’orphelins » pour faire produire la Creuse. Alors Debré, aidé de l’Église, des DDASS d’outremer (Bumidom) et de métropole (CNARM), décida de s’occuper activement de ces familles nombreuses qui, frappées par son grand projet de modernisation de l’habitat citadin réunionnais, se virent du jour au lendemain jetées à la rue, non relogées, perdant leurs petits commerces et moyens d’existence. Parce que, marché oblige, il fallait bâtir des HLM. Pas des écoles.

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« Je n’ai que des souvenirs heureux de cette époque. L’amour de notre mémé, des jeux toute la journée, la bonne odeur du café grillé, le bruit de la serpe qui coupe la canne à sucre.
Et puis ce soleil brillant sur l’île presque toute l’année.
Mais une ombre planait sur ce paradis. Cette ombre avait la forme d’une camionnette, une 2 CV break plus précisément. Lorsqu’elle débarquait dans notre village, nous courions tous nous cacher dans les champs de canne, ou nous grimpions sur les cocotiers en espérant que ce ne serait pas notre tour. C’était la terreur de l’île cette voiture, c’était une sorte de monstre, de grand méchant loup. Il n’y avait pas beaucoup d’autos à La Réunion, et quand la 2 CV arrivait, on l’entendait de loin. »

(Jean-Jacques Martial, Une Enfance volée)

Beaucoup de mères, de pères, ne savaient ni lire ni écrire. Ils signèrent des « promesses » (que leurs enfants seraient bien soignés, recevraient une éducation et leur reviendraient « médecins ou instituteurs ») de l’empreinte de leur pouce trempé dans l’encre.

Des formulaires d’abandon: leurs enfants dès lors orphelins étaient pupilles de l’Etat.

De 1963 à 1982, 2200 enfants âgés de quelques mois à 16 ans furent arrachés de leurs familles, confiés dans un premier temps à l’institution religieuse qui changea leurs prénoms, puis déportés par avion dans la métropole. Hébergés dans un foyer de la DDASS à Guéret (Creuse), ils furent distribués, les garçons dans des familles d’agriculteurs, les filles chez quelque bourgeoise ayant besoin de domestique. Fratries systématiquement décomposées. Beaucoup d’entre eux subirent les maltraitances ordinaires qu’on imagine (travail forcé, abus sexuels, racisme, déscolarisation…).

À la Réunion cela finit par se savoir car les parents ne recevaient, contrairement aux promesses, aucune nouvelle de leurs enfants embarqués en 2CV: « C’est dans cette camionnette que des dames et des messieurs de la DDASS, aidés de gardes champêtres, emmenaient des enfants deux par deux » (J-J Martial).

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Les familles d’accueil esclavagistes françaises étaient bien entendu rémunérées – avant que les enfants qui le méritaient puissent faire l’objet d’une adoption, prenant alors le nom de leurs parents adoptifs… la  mémoire de leurs noms était ainsi lavée.

En août 1968, le journal communiste réunionnais Témoignages dénonça ce « trafic d’enfants ». L’alarme étouffée se perdit dans le brouhaha contre-révolutionnaire.

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Misère, internements en HP, suicides. En 1982 Mitterrand abolit les déportations. Mais il fallut attendre 2005 pour que « l’association des Réunionnais de la Creuse » assigne l’état français devant le tribunal administratif de Limoges afin de soit reconnue  la déportation dont ils avaient été victimes.

Et ils attendront encore 2014 pour que « l’Assemblée nationale, considérant que l’État se doit d’assurer à chacun, dans le respect de la vie privée des individus, l’accès à la mémoire; considérant que les enfants tout particulièrement doivent se voir garantir ce droit pour pouvoir se constituer en tant qu’adultes ; considérant que dans le cas du placement des enfants réunionnais en métropole entre 1963 et 1982 ce droit a été insuffisamment protégé demande à ce que la connaissance historique de cette affaire soit approfondie et diffusée ; considère que l’État a manqué à sa responsabilité morale envers ces pupilles ; demande à ce que tout soit mis en œuvre pour permettre aux ex-pupilles de reconstituer leur histoire personnelle. »

Mais ils attendront  2016 pour avoir le droit d’entreprendre effectivement des démarches ouvrant à recherche de parents via le Conseil Général de la Réunion – lequel n’ouvre ce droit qu’aux pupilles, ni à leurs parents ni à leurs enfants (depuis 1963 un certain nombre de victimes étant décédées cela réduit d’autant le montant des indemnisations à devoir par l’État). Encore faut-il pouvoir payer le billet A/R pour Saint-Denis et l’hébergement.

Nous n’étions pas dans le cadre de la colonisation mais dans le cadre national. Rappelons ces définitions qui concourent à caractériser le crime contre l’humanité:  déportation, travail forcé, souffrances physiques et psychiques, viols et destruction des liens familiaux, de la mémoire sociale, de la culture et de la langue. Des procédures sont en cours.

Le même gouvernement défenseur du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » déplaça en Guyane des milliers de familles Mong après la guerre d’Indochine afin qu’elles échappent aux massacres postcoloniaux et y jouissent de leurs droits de citoyens en se faisant main-d’oeuvre de nécessité: Cayenne, c’est la France – Guéret aussi, d’ailleurs.

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Le Canada, les USA, le Brésil usèrent et usent des mêmes procédés: enfants amérindiens raptés à leurs familles jugées inaptes à leur éducation pour peu qu’elles résistent à l’assimilation. Ainsi le Québec a-t-il créé la catégorie de « citoyens mineurs sous tutelle » qui interdit à ces familles l’accès au vote, aux postes administratifs et, bien sûr, aux études supérieures. Et encore: « enfants volés » d’Argentine – souvenons-nous des mères de Mai.

Les services sociaux de Grande-Bretagne, dont les subventions sont directement liées à des « obligations de résultats » raptent des nouveaux-nés (blancs) à leurs mères dès la naissance pour les proposer à l’adoption au motif que leurs familles « pourraient » devenir maltraitantes ou seraient inaptes (notamment les parents ayant eux-mêmes bénéficié de placement en familles d’accueil, preuve qu’ils savent ce qui s’y passe). Ainsi un couple se voit enlever ses trois enfants car le petit dernier portait une bosse – la justice reconnaîtra que le petit avait hérité de sa mère la maladie des os de verre, mais trop tard: rendre les enfants à leurs parents biologique seraient leur infliger un trop lourd traumatisme… Alors les mères anglaises « à risque » s’exilent pour accoucher en France, en Irlande…

Aujourd’hui, en Grèce, en Sicile, en Espagne, des milliers d’enfants migrants de 6 à 17 ans sont parqués dans des camps ou des centres dévolus « à la protection des mineurs » et dont ils tentent de s’échapper chaque jour – là aussi violences, viols, agressions, subornation, embrigadement, etc. – pour se retrouver prostitués, dealers ou renvoyés dans ces centres. Chaque enfant identifié fait l’objet d’une allocation dévolue par les instances européennes à son entretien, son éducation et sa formation. Les subventions évidemment se perdent dans les poches intermédiaires des responsables locaux – qui voient les enfants disparaître et continuent d’empocher les allocations. La traite des mineurs est un pactole et l’Europe ne peut rien contrôler… Leur seul fil d’Ariane: des portables qui sonnent dans le vide.

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Plusieurs dizaines de milliers de mineurs migrants non accompagnés sont portés disparus selon Europol.

Macron, t’avais pas tort. Tu t’es juste trompé d’époque. Le passé, c’est toujours tellement plus mort. C’était malin: liquider le présent en réveillant un vieux « trauma du passé ».

Laver la mémoire c’est laver la conscience.

Mais tant qu’on a la fibre optique pour s’éclater, gardons les yeux fermés.

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7 réflexions sur “COLONISATIONS INTÉRIEURES, COLONISATIONS DE CLASSE, TRAITE DE MINEURS, Macron rate le coche…

  1. Effectivement je connais une amie qui a été dans ce cas, elle est plasticienne maintenant, est mariée à un type bien et a même adopté un petit noir en plus de sa fille. Ca n ‘enlève rien à la saloperie de l’ Etat sanfrais, mais les blessures peuvent aussi se guérir.

    Abraço do Sam

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  2. Un pan de l’histoire méconnu… en tout cas par mézigue.

    Nous avons eu aussi, en douce et bucolique Helvétie, notre lot d’enfant tziganes helvètes ôtés à leurs parents par Terre des Hommes afin que ces enfants entrent dans le moule suisse, c’est-à-dire sédentarisés et éduqués. Cette procédure prend fin dans les années 1960 – 1970. Ainsi, tous ces enfants étaient reconnus par leur commune d’origine commune, à savoir Grindelwald.

    À l’ère où les enfants n’étaient pas rois, ils faisaient partie de la masse esclavagisée, mais éduquée par obligation étatique. Et cette époque n’est pas si éloignée que cela.

    Merci Aniouta pour un nouveau pan de l’histoire qui se dévoile.

    Bises à vous deux
    Gene

    Ce qui me fait penser aux historiens et scientifiques français qui viennent de sortir « l’histoire française » dans les éditions « la Pléiade » (sôf erreur de ma part, éditeur prestigieux s’il en est un) et qui ont soulevé un tollé chez Zemmour et Finkielkraut qui n’ont pas raté le coche en traîtant les initiateurs de ce projet – qui est le fruit de nombre d’années de recherches étayées – de négationnistes révisionnistes. Mais dans quel monde on vit !

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  3. Et Trump vient d’envoyer l’armée expulser des Amérindiens de leurs terres en Dakota du nord pour lancer des forages de pétrole de schistes… Les tribus avaient obtenu de haute lutte l’interdiction de cette exploitation accordée par Obama…
    Bises à toi

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    1. Mais allons-y allons-zoo, de toute façon, au point où on en est. Il balance aussi un paquet de 54 milliards de USD pour redémarrer la course aux armements, notamment nucléaires. Il est vrai qu’une petite bombe par ci par là ne ferait pas de mal. Il n’y a qu’à voir Fukushima.

      Ô rage, ô désespoir !
      Bises

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      1. En ce qui concerne les Sioux du Dakota, 4 grosses banques françaises sont impliquées dans le financement des forages……décidemment , elles ne ratent aucune connerie….en plus de porter le Panama.

        Abraço do Sam

        Aimé par 1 personne

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